Les Poilus, simples héros des tranchées

Publié le par L'UNION DES CITOYENS PATRIOTES ET SA JEUNESSE

 Les Poilus, simples héros des tranchées
Alors que Lazare Ponticelli, le dernier poilu vient de disparaître ce mercredi 12 mars, l'enfer des tranchées, symbole de la Grande guerre, reste difficilement imaginable: les combats sporadiques, les gazages, les pilonnages toujours plus violents, les attaques au lance-flammes mais surtout la peur, omniprésente. "Ce que nous avons fait, c'est plus qu'on ne pouvait demander à des hommes et nous l'avons fait", écrira l'académicien Maurice Genevoix, alors étudiant précipité dans la guerre de tranchées. Longtemps, ceux qui survécurent à l'enfer des tranchées eurent du mal à en parler. Certains, atrocement mutilés, sombrèrent même dans la folie. Retour sur la terrible, mais néanmoins héroïque vie des Poilus de la Grande guerre.

Si l'Allemagne a déclaré la guerre à la France le 3 août 1914, ce n'est qu'à la fin du mois de septembre que les soldats des deux pays ont commencé à s'affronter dans les tranchées. Après l'offensive allemande de l'été 1914, les Français ripostent, mais ils n'arrivent pas à repousser leurs ennemis à plus de trois kilomètres de Reims. Les Allemands creusent des tranchées, parfois trois ou quatre les unes derrière les autres, empêchant les Français d'avancer. Ceux-ci font alors de même, et aucun des adversaires n'arrive à percer.

"Il y avait 700km de front continu des Vosges à la mer du Nord, avec des tranchées d'une taille en général juste suffisante pour qu'un homme debout puisse être à l'abri et se déplacer assez facilement", explique François Cochet, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Metz, auteur de plusieurs ouvrages sur la guerre 14-18. "A partir de novembre 1914, plus personne ne bouge, le front est figé, jusqu'au printemps 1918 où les Allemands perceront, mais ils seront épuisés", précise-t-il.

Pour les "poilus", une nouvelle lutte débute, qui va durer quatre ans, dans des conditions d'hygiène souvent déplorables. Les poilus, baptisés ainsi parce qu'ils ne pouvaient ni se laver, ni se raser, restaient un mois dans les tranchées avant d'être relevés et envoyés à l'arrière où il pouvaient manger chaud, à leur faim et dormir au sec.

Pendant ces quatre ans, huit millions de Français seront mobilisés, dont quatre millions qui appartiendront à des unités combattantes. Une grande partie d'entre eux feront un séjour dans les tranchées, ainsi que des soldats britanniques, canadiens, australiens, néo-zélandais, russes, italiens, africains ou américains.

Ce n'est pas la première fois que des armées s'affrontent dans des tranchées. C'est la reprise d'un vieux procédé déjà utilisé à l'époque de Louis XIV, puis notamment pendant la guerre de Mandchourie (1904-1905) destinée à se protéger contre l'artillerie adverse. Mais cette fois, l'attente sera longue. Chaque soldat appartenant à une unité combattante a passé plusieurs mois dans les tranchées. Souvent, ils y restaient trois ou quatre jours, puis bénéficiait du même temps de repos, avant d'y retourner. Mais ils pouvaient parfois y passer 15 jours, explique François Cochet, dans des conditions d'hygiène inexistantes, en restant tout le temps habillé.

Trous d'obus aménagés et reliés par des fossés creusés par les soldats, les tranchées étaient le théâtre de l'horreur, de l'attente de la mort. Malgré la peur, les poux, les rats, la boue et le froid, elles étaient aussi un monde de camaraderie, d'une solidarité sans faille entre soldats d'une même unité qui trouvaient le réconfort dans les plaisanteries, les chansons ou les lettres écrites à leurs familles.

"Les soldats dorment peu. A tour de rôle, ils sont sentinelles. En première ligne, ils sont parfois à moins de 50 mètres de l'ennemi, seulement séparés par un no man's land. Ils s'entendent parler et chanter la nuit. Il y a a eu des cas de fraternisation avec l'ennemi".

Mais dans la plupart des cas, la situation est dure à vivre. Quotidiennement, ils essuient des tirs de l'ennemi, mais les combats directs sont exceptionnels. Ils sortent essentiellement de nuit pour récupérer les cadavres. "La plupart étaient enterrés dans des fosses communes à l'arrière du front, parfois les corps étaient brûlés", souligne Pierre Miquel. "Quelquefois, les corps des Français et des Allemands étaient mélangés".

L'historien Pierre Miquel, auteur de plusieurs ouvrages sur la Première Guerre mondiale publiés aux éditions Tallandier et Fayard, raconte même qu'avec certains cadavres qu'on ne pouvait pas évacuer, et en l'absence de toilettes adéquates, des nuées de mouches étaient attirées par les odeurs pestilentielles.

Les soldats se reposent rarement. Quand ils ne sont pas en surveillance, ils creusent des tranchées, fument, parlent, lisent les lettres de leurs familles ou mangent. Le ravitaillement en vivres est difficile, assuré par des hommes de troupe qui doivent parcourir souvent plusieurs kilomètres. La nourriture est constituée notamment de pain, de pommes de terre, de ratatouille, ou encore de boeuf en conserve.

Le traumatisme psychologique qu'ont subi les soldats, qui risquent chaque jour de mourir, a été mal mesuré à l'époque. La psychiatrie s'est d'ailleurs développée après la guerre. On a parlé alors du "choc de l'obus", une crainte à laquelle s'ajoutait la proximité constante des cadavres dans le no man's land. A l'époque, la médecine militaire craignait beaucoup les simulateurs. Les dépressifs étaient assimilés à des lâches.

Plus de deux millions de Français ont été blessés pendant la guerre. Parmi les morts, 900.000 corps ont été retrouvés et 400.000 ont été portés disparus.
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